Tarn-et-Garonne L’eau empoisonnée du maraîcher
Depuis un an, Jean-Marc Génies ne peut plus travailler car l’eau de son puits est polluée par un herbicide.
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Jean-Marc Génies est un homme en colère. Depuis un an, ce maraîcher de Valence-d’Agen (Tarn-et-Garonne) ne peut plus rien faire pousser sur les 4 hectares qu’il exploite. En juin 2018, lorsqu’il voit que ses légumes jaunissent et que l’herbe ne pousse plus, il pense tout d’abord à la chaleur, aux plants, aux engrais bio, à la terre… Il avertit ses fournisseurs, contacte ses collègues, fait analyser son sol. Mais rien. Sa terre est normale et il est le seul à connaître ce problème. « Je plantais, je jetais, c’était désespérant », raconte-t-il. Mais à la mi-juillet, 40 mm de pluie font repartir les cultures. « J’ai alors compris que le problème venait de l’eau. Pourtant, dans la famille, nous utilisons le même puits depuis 1992. J’ai contacté la chambre d’agriculture pour demander conseil et j’ai demandé de l’aide, mais personne n’est venu. A la préfecture, la police de l’eau m’a dit « qu’on ne se déplaçait pas comme ça. Alors je me suis débrouillé. »
Jean-Marc fait d’abord constater l’état de ses cultures par un huissier, puis il trouve un laboratoire, à Agen, pour faire analyser son eau. Mais quelles molécules chercher ? Le producteur étant installé près d’un céréalier et d’un entrepreneur de travaux agricoles, le laboratoire se concentre sur les produits phytos. Et le résultat est stupéfiant ! L’eau est chargée de 6,52 µg/l de métolachlore ESA et de 6,63 µg/l de métolachlore OXA, un désherbant pour grandes cultures aujourd’hui interdit. Le taux est 66 fois supérieur à la limite de potabilité. « Le laboratoire a dit que je battais le record de la région, poursuit-il. J’ai tout de suite porté plainte. »
Parcours du combattant
Une enquête est alors enclenchée et le procureur mandate le service « eau et biodiversité » de la DDT pour vérifier que l’eau du robinet n’est pas contaminée. De son côté, le bureau de recherches géologiques et minières, chargé d’étudier le sous-sol, réalise des prélèvements dans douze puits. « Le problème, c’est qu’aucun résultat ne m’est communiqué, regrette le maraîcher. J’ai dû, moi-même, renouveler mes analyses, en mars dernier, pour constater que la concentration de métolachlore avait encore grimpé, alors que le puits était fermé à clé. »
Il aura fallu la création de l’association de soutien Vigilance eau Valence-d’Agen, en mai, et l’organisation d’une réunion publique pour que l’agriculteur ait enfin un début d’explication. « Je souhaite que l’on trouve la source du problème et que le pollueur paye, dit-il. J’ai dépensé plus de 1 100 € en analyses et perdu mon gagne-pain. » En attendant, il travaille chez des collègues pour rembourser les traites du matériel tout juste acheté pour passer en bio. Mais il n’a plus envie de produire, trop déprimé pour le moment. Florence Jacquemoud
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